Le neutrum
[Le fragment de mon livre Heurystyka filozoficzna (L’heuristique
philosophique)]
Pendant les quelques années que j’ai consacrées à la
tentative d’une esquisse du projet que j'ai présenté sous le nom d’heuristique,
j’avais considéré que le clou de cette entreprise, son instrument «opérationnel»
(heuristique) devait être une conception entièrement structuraliste d’âme qui
consistait à apporter à la langue philosophique une quasi-notion non
dépendante d’une caractéristique uniforme qui serait «quelque
chose», un «objet théorique», une certaine «forme», un «opérateur»... Par
principe, cette «notion» devait éviter tout discours uniforme éclairant «son
sens», «son emploi», «sa nécessité» et «sa signification formelle» - sa cohérence volatile étant garantie
seulement par la vision de certaines traces d’un sens matériel, et cela
uniquement à partir de certains points de vue. Ce qu’était une telle trace : que
cette notion puisse poser un sujet de propositions grammaticales, que l’on
puisse dire que son «identité» s’exprime dans certaines analogies structurales,
des analogies et des similitudes aux différents rôles spécifiques, identiques à
ceux que jouent certaines notions dans différentes théories. Ayant remarqué,
dans le cadre de la pensée sur cette quasi-notion, le motif récurrent de son
irréductibilité à toute détermination, le motif de sa
nature opérationnelle supposée
ainsi que sa complète neutralité dans sa relation à toute théorie possible dont le point de vue adopté devait justement posséder pour assise le sens
«primordial» ou «propre», je l’ai nommé «l’élément neutre» ou bien encore «neutrum»
- quelque chose de genre neutre. L’idée de la «neutralité» toutefois, en
rapport avec l’idée de «quelconque»
qu’elle contient, n’est que l’une des nombreuses idées que je voulais associer à
d’autres dans cette «notion» du neutrum. Les structuralismes de Lacan, Foucault
et Derrida appartiennent, dans une certaine mesure seulement, aux lieux peu
nombreux de la tradition philosophique o_ les pensées de ce genre apparaissent ;
auparavant, (chez Kant, Hegel, Nietzsche, Frege) il n’existait que des traces
seulement d’une pensée qui prenne cette direction. Je considère l’entreprise et
le développement de ce sujet comme l’une des voies les plus créatrices et les
plus importantes de l’heuristique ; dans ce travail, cette «notion» ne pourra
seulement qu’être posée.
Les intuitions structuralistes que j’ai en ce moment à
l’esprit sont avant tout des idé es telles que la notion de
singularité de la structure, de l’élément neutre (emprunté aux mathématiques),
celle de la case vide qui parcourt la structure, celle de l’objet = x et celle
enfin de la différance. A l’origine de cette problématique qui prend corps grâce à ces notions, il y a la chose en soi
et l’idée régulatrice kantiennes, le concept de médiation chez Hegel ainsi que
toutes ces conceptions qui soulèvent le problème du sens de
l’étreinte par un mot particulier de ce qui perd son sens
dans le bavardage.
«La singularité de la structure» est une notion point de
repère, de lieu, elle est ce relativement à quoi les autres éléments se
déterminent d’une manière si distincte et si régulière (par exemple selon une
fonction) qu’elle produit d’une certaine manière un
contenu positif, ce qui signifie qu’il n’est point nécessaire de la désigner purement de manière relative : par
exemple, l’origine d’un repère, des individus humains dans la structure des «phénomènes
sociaux», les notions élémentaires mathématiques comme le centre de la figure,
le centre de symétrie, le point d’inflexion d’une courbe, le sommet d’une figure,
les extrema d’une fonction et de bien meilleurs exemples encore que pourraient
donner des théories mathématiques plus avancées. Les singularités s’assemblent
dans des séries et plutôt même génèrent des séries de notions théoriques aux
qualités heuristiques éminentes, des notions autour desquelles se développent
des théories. Le sens général de la singularité est peut-être rendu par
l’intuition du «noyau de la cristallisation» : les singularités sont comme des
formations de sens relativement stables et en même temps les sources de leurs
transformations, ce qui les apparente au neutrum.
Soit un ensemble de notions, l’élément neutre, la case vide,
l’objet = x, qui connote un moment particulièrement important de cette na rration au sujet du neutrum. L’objet = x est un élément mobile de la structure, un surplus
spécifique et formel de la signification qui prend ainsi différentes formes «en
se remplissant» de la même manière que la case vide provoquant un mouvement dans
la structure. Il n’est jamais «à sa place», il est toujours déplacé par rapport
à lui-même, il ne se laisse pas «saisir». La «valeur» dans la structure des
échanges économiques peut en constituer un exemple : elle n’est pas l’un des
objets d’échange, elle ne pose même aucun quantum d’or mais s’exprime à
l’intérieur d’un échange permanent, elle est comme la proportionnalité de la
proportion elle-même. Pour généraliser encore cette abstraction, il est possible
de dire que l’objet = x est le différenciant de la différence elle-même. Sa
dérobade, ce déplacement par rapport à lui-même, le donne comme «notion»
corrélativement à la différance chez Derrida ; il
est comme une différance en
tant que répétition de lui-même (car il inclut l’intuition de l’objet et
donc pour le moins celle de lieu vide). Un déplacement relativement à
toute signification de l’objet = x : sa différence est
justement bien ce que Derrida appelle différance. L’objet = x se «retrouve»
cependant toujours, cela signifie qu’il prend une forme différente en circulant dans la structure, que
l’on peut comparer aux autres formes différentes de cette même équation (contenant
une inconnue). La valeur «se retrouve» dans différentes séries comme l’or, les
devises, le dollar, le pain... La capacité de mouvement de l’objet = x ainsi que
sa nature formelle suggèrent la métaphore de la tache aveugle (Sollers), du
truc, du machin, et comme telle le lie à la notion de l’élément
neutre (comme le phonème zéro de Jakobson ou «la position zéro» de Frege) et à
la notion de variable (d’o_ ce «x»). La difficulté particulière pour comprendre
cet étrange statut de l’objet = x doit être rapportée à l’inclination à le
confondre avec une fonction ou bien encore avec un analogue. Cependant, l’objet
= x possède sa propre individualité symbolique, qui n’est ni analogique ni
abstraite ; de plus, tout ordre structural possède son objet = x, toujours autre.
Les différents ordres s’unifient, se lient d’une manière prescrite par le
caractère de l’objet = x. Si j’achète à des indigènes leurs ornements pour de la
verroterie, ces «bijoux» deviennent alors un objet = x qui circule entre les
séries d’échange à la fois pour les indigènes et pour nous : pour nous en tant
que «quelque chose sans valeur et possédant de la valeur là-bas», pour les indigènes en
tant que «quelque chose possédant de la valeur et provenant de là-bas». Entre deux ordres structuraux, la relation de subordination et de
prééminence économique s’établit sur la base de la circulation de la verroterie
physique et de la verroterie-symbole.
Les relations entre les objets = x particuliers et la notion
générale de l’objet = x ne sont pas claires. Cette dernière est l’objet = x d’un
ordre très particulier qui est une théorie structuraliste. Accomplir cette
généralisation de la notion d’objet = x possède un sens heuristique comme «manière
de rappeler la consistance objective que prend la catégorie du problématique au
sein des structures».
Géné ralement, ce
en quoi la pensée structuraliste se rapproche le plus de la notion de neutrum
est le travail heuristique de «la double science», autrement dit son
exploitation et sa distanciation tout à la fois vis-à-vis d’un ensemble de
notions propre à des discours particuliers, plus précisément vis-à-vis de
l’ensemble des notions métaphysiques. L’aptitude à se mouvoir sur un espace
compris entre le simple moyen affirmatif d’utilisation des notions et le moyen
purement critique, qui s’exprime dans les représentations
heuristiques du bricolage,
du double geste, de la déconstruction, possède une signification décisive pour
«la pensée non identifiante» du neutrum et pour l’apprentissage de l’utilisation
de la notion de neutrum - à propos duquel il est dit qu’aucune expression n’est
contentante et qu’il ne faut en accepter une malgré tout que lorsqu’elle renvoie
distinctement à d’autres expressions possibles ainsi qu’à l’intuition. Si cette
singularité de parole sur le neutrum ne doit pas exclusivement et
irrévocablement être associée à de tels motifs heuristiques comme la recherche
du Mot le plus important ou du mot-pierre-philosophale, à la dialectique de
l’enquête sur les médiations qui culmine dans le retour de la Notion à elle-même,
cela est d_ seulement à ce que l’heurésis structuraliste montre la possibilité d’une
abstraction non métaphysique, des notions «hautement transformées» auxquelles
d’ailleurs il n’est attribué aucun discours introducteur au caractère purement
réflexif et critique, par exemple le discours de la
connaissance de soi comme cela est le cas parfois en philosophie.
Cela ne signifie pas cependant que l’intention heuristique
conduisant à la formation des très diverses notions de
quelque chose de privilégié et de premier n’ait pas porté ses fruits dans la
philosophie passée sous la forme de notions qui dépassaient, par leur élasticité
heuristique, les notions clés métaphysiques ordinaires de la théorie philosophique comme l’être ou
l’Absolu. Avant tout, ce sont les notions formelles, auxquelles on assigne dans la théorie un certain rôle heuristique, qui sont à cet égard signifiantes
; du côté de l’intention objective, on pose en général le sens de l’agent qui
produit un mouvement (le mouvement de la pensée et de l’être). La plus classique
de ces notions est celle de Dieu définie comme but métaphysique produisant un
mouvement de création vers soi-même, et dans le même temps comme objet de
déterminations exclusivement négatives (la théologie négative). Plus avancée au
contraire dans le domaine de la réflexion heuristique est la notion de chose en
soi avec sa fonction heuristique particulière de renforcement de «l’objectivité»
du discours transcendantal ou bien de rupture de son inclination à
l’autoréférence. Le plus grand apport de Kant dans ce domaine est cependant la
notion d’idée régulatrice en tant qu’agent formel de l’ordre rationnel unifié
qui sert en même temps d’instrument de sanction des prétentions fondamentales de
cet ordre à l’objectivité - ce qui est développé dans la dialectique transcendantale ainsi que dans la critique de la raison pratique qui se
servent toutes deux de cette notion d’idée régulatrice. De même, le formalisme («la régulativité») de la
notion d’idée régulatrice, tout comme l’heurésis de
l’utilisation harmonieuse et parallèle
de la notion d’idée régulatrice en tant qu’idée
(mode objectif) et de la notion d’idée régulatrice en tant que notion
(notion de la critique de la raison - mode formel) est lié au neutrum. La
collaboration d’un discours thématisant d’autres discours avec lui-même constitue en effet l’un des buts
heuristiques essentiels de l’élaboration de la notion de neutrum. La portée d’un
tel but se considère en ce que les habitudes heuristiques veulent qu’on traite
des relations heuristiques entre deux structures notionnelles selon quelques
modèles simples : ceux de la théorie de quelque chose, de la réflexion sur
quelque chose, de la métathéorie, de la critique - reconnaissant l’espace
séparant les deux structures comme l’espace de la distance
critique. La critique kantienne fut la première tentative d’équilibration de cette relation
heuristique réflexive simplifiée en intégrant la critique de la raison à son
travail d’examen à l’intérieur de cette même critique. Bien s_r, ce fut Hegel
qui, le premier, considéra complètement la diversité des relations d’un discours
philosophique avec ses objets plus ou moins théoriques - les théories philosophiques elles-mêmes
comprises. La notion de médiation possède une signification décisive pour un tel
apprentissage. La notion générale de «ce qui effectue la médiation» serait une
intuition très importante qui enrichirait la compréhension du neutrum. Le
neutrum en effet indique précisément et distinctement sa qualité heuristique
lorsque nous la comprenons comme le centre, l’origine
ou encore le noyau d’une médiation continuelle entre des notions, le
centre de la formation de toutes leurs relations réciproques. D’autre part, il
faut se souvenir de la limitation présente dans la notion de médiation qui
renvoie aux notions corrélatives de
savoir immédiat et de retour chez soi de l’Esprit en tant que culmination de la
réflexion philosophique. C’est pourquoi, il faut aussi prêter attention
simultanément, en relation avec cette notion de médiation, à l’autre notion de
centre que donne la pensée structuraliste - celle
d’un centre comme faisceaux ou encore comme condensations dans lequel différentes notions sont données
ensemble à l’activité du travail de la différence, dans lequel aussi naissent
des notions «décentrées», des notions «déplacées» par
rapport aux différentes notions métaphysiques présentationnelles.
Ce qui vient d’être dit dans les paragraphes précédents au
sujet du neutrum doit certainement produire l’effet d’une introduction peu
claire et créer cette impression qui d’habitude est à l’origine de cette
question : «Mais de quoi au juste s’agit-il ?» Elle ne peut être autre cependant
sachant que le neutrum n’est pas un objet de définition, qu’il ne se donne pas
simplement comme un certain objet théorique lié à une méthode de recherche
déterminée qui se proposerait, qu’il se ne se laisse pas non plus saisir à
l’intérieur d’un «plan général» comme une chose ayant un simple statut
ontologique ou heuristique (un statut d’idée, de programme, de méthode, de
notion opérationnelle etc.). Chaque récit sur le neutrum constitue une entrée à
l’intérieur du cercle énormément étendu des notions philosophiques qui sont à
cet égard privilégiées - l’entrée en un lieu fortuit et en même temps
la présentation du neutrum dans son travail spécifique pour qui le travail de la
différence, le travail de la médiation et le travail de la construction
théorique à l’usage d’une théorie concrète - chacun séparément - représente
un exemple ou une manifestation.
L’explication sur le neutrum est dans un certain sens une explication de l’heuristique et proprement
son allégorie. Parler du neutrum voudra toujours dire être limité
grammaticalement, et en cela plus généralement heuristiquement, dans l’activité
d’une parole sur un objet dans la signification de
son existence à qui se pose en
outre la question de sa manière d’être. «L’heuristique» cependant dénote un
objet qui est un domaine de recherche et donc, la question, au statut général,
relative à son type notionnel, est une question «sur son statut cognitif», «sur
sa méthode», «sur son emploi». Parler de l’heuristique constitue une chance pour
tout développement sur le neutrum en nous permettant de nous arracher à la
contrainte grammaticale qui nous le fait voir comme un certain être ; bien plus
même, parler du neutrum est une chance pour tout développement sur l’heuristique
en nous permettant de nous arracher à la contrainte d’une parole sur elle qui la
considérerait comme une quelconque science (dont on attendrait «une méthode», «un
objet».). Le type de discours est cependant dans ces deux cas le même. - il
s’agit d’un type de discours, au fond, très spécial et considérant sa matière
(et donc considérant les besoins eux-mêmes de l’heuristique) contingent car il
se conforme à des circonstances purement internes qui veulent
que l’heuristique ou bien encore le neutrum soient expliqués à quelqu’un. L’impression que donne cette
constante dérobade vis-à-vis d’une réponse claire, cette impression que
donne un propos qui s’occupe de tout en même temps, constitue la conséquence de
cette circonstance obligée, et il résulte de cette crainte que le lecteur
veuille s’arrêter à cette circonstance particulière qui est trompeuse en raison
de sa prétention à une intuition universelle et qu’il se dise : «Ah ! Il s’agit
tout simplement de cela !» Malheureusement, ici
aucun tout simplement ne
peut tenir. Bien plus, nous opérons sur un fond o_ ces habitudes ne sont plus
opérantes, o_, bien plutôt, doivent se soumettre à l’epochè
certaines habitudes et banalités heuristiques au contact desquelles nous nous sentons en sécurité et «intelligents».
Les avertissements qui apparaissent avant toute recherche d’une «pierre
philosophale» - de la grande Notion, du Mot lui-même, de la machination qui
conduit toute pensée vers la vérité, ou bien aussi l’antidote efficace contre
toute faute possible - appartiennent à ces habitudes, de même que leur
appartiennent les simples vérités heuristiques qui exigent de ne pas s’efforcer
d’occuper une position issue de «nulle part», de ne chercher ni Panopticon ni
théorie du tout. Essentiellement, ces avertissements sont comme des observations
légitimes faites à un marcheur qui se dirige vers le sommet, qui, en tant que
bon marcheur, connaît bien mieux leur sens que quiconque et qui, malgré tout,
continue de marcher sans en avoir recours. Pour savoir pourquoi toutes ces
remarques (et bien d’autres) sont proprement légitimes et jusqu’à quel point, il
faut s’enfoncer plus loin que ne l’exige la simple
certitude de leur légitimité,
sans qu’il soit même déjà question de la simple
compréhension de leur sens. Ma plus grande crainte en écrivant le travail
sur l'heuristique avait pour objet l’influence freinante des habitudes et des
banalités heuristiques et pourtant justement, cette ouverture au large espace
des instruments heuristiques ainsi
que l’aptitude à se mouvoir parmi eux, l’aptitude à un jugement critique du
champ de leur emploi, constituent l’une des voies les plus importantes de ce
travail. Je crois que les esquisses heuristiques présentées sont un élément de la richesse de l’heurésis philosophique et ont permis de parler d’elle
sans avoir recours à des formes heuristiques simples telles que la «description»,
«la création d’une théorie», «l’opération d’une réflexion critique». Les formes
que doit prendre en considération l’heuristique sont aussi
riches que celle de l’heurésis de la philosophie elle-même ; elles doivent en effet être
contemporaines d’une avancée de la réflexion heuristique que l’heuristique
rencontre dans la philosophie.
Se mouvoir dans l a multiplicité des idées, multiplicité o_ nul ne possède la priorité,
excepté ce qui se donne soi-même par rapport à son contenu et à l’idée de
totalité qui apparaît dans un cas donné : cette aptitude clé, nécessaire à l’explication de l’idée heuristique,
se laisse maîtriser, d’une manière
spécifiquement condensée, dans le discours qui détermine la notion du neutrum.
La découverte du neutrum, s’il est permis d’utiliser le terme
«découverte», est le résultat d’une expérience intellectuelle qui met en évide nce l’inaptitude de toute notion à occuper une
position centrale dans la pensée en général, de telle manière qu’elle reste avec toutes les
autres notions dans une certaine relation heuristique de type principale -
subordonnée. Tout prétendant à une position absolue - ce peut être une notion
strictement métaphysique (d’un ordre purement objectif) ou formelle ou encore
méthodologique (comme la notion de méthode universelle) - sera expulsé par une
notion clé du discours o_ sera à l’oeuvre une réflexion portant sur sa position
privilégiée. On atteint peut-être une certaine extrèmité lorsqu’une notion est
construite de telle manière qu’on n’y inclut rien de plus que ce qui joue ce
rôle privilégié - celui justement que l’on attend d’elle. Il n’est pas possible
de préciser ici ce que peut être ce «rôle privilégié» car il s’agirait justement
d’une particularisation que l’on veut éviter. Dans l’utilisation de ce terme
cependant, nous n’évitons pas ses limitations spécifiques : celui-ci est
dépendant de la notion de ce qui est privilégié et,
outre cela, de la représentation heuristique qui voit que la généralité
et le caractère formel de la notion sont la source de sa puissance heuristique et de son
emploi le plus large (au prix de la perte d’une signification distincte). Le neutrum apparaît justement à ce moment-là,
à savoir en tant qu’hypostase formelle de toutes les attentes heuristiques qu’on
est en droit de nourrir au sujet de la notion clé d’une théorie, une hypostase
mise en cause dans le même temps par un discours critique qui révèle le
caractère inaccomplissable de sa prétention et l’impossibilité pour une telle
notion de postuler une existence positive. Considérons le neutrum comme une
notion fondée de cette manière dialectique - il s’agit en vérité de l’une des
nombreuses manières possibles, se différenciant des autres toutefois attendu les
exigences de toute explication. Considérons de plus le neutrum en tant que
notion de quelque chose d’impossible ou bien en
tant que notion d’utopie, la détermination d’un projet qui s’est reconnu lui-même comme
inaccomplissable : tout cela est très particulier et très éloigné de l’idée
d’une notion générale dont l’objet est ce qui se trouve dans une théorie ou dans
un système philosophique en position privilégiée.
Nous ne pouvons pas parler d’un
neutrum «en général» et donc, en tant qu’objet du discours présent (le neutrum «en
général» ne peut signifier rien d’autre qu’un «neutrum ajouté à un discours
conduit par l’idée heuristique de réalisation des généralités») celui-ci est
«impossible», il est une notion «de projet
inaccomplissable» - le neutrum est tel seulement dans le cadre précis d’un
certain projet inaccomplissable dont le centre établit un certain mode du
neutrum. Cette remarque suggère
une observation importante, à savoir que le discours qui s’efforce de défendre
le neutrum contre tous ces reproches, et donc de défendre le sens de son
intégralité (les liaisons des principes aux différentes choses grâce à sa notion
ou pour le moins grâce à son nom) doit le donner comme une certaine multiplicité
de notions dont les éléments particuliers assument pour ainsi dire en eux et
prennent sous leur responsabilité tout défaut. Le neutrum, en accord avec cette
intuition, est «quelque chose au-dessus», il reste intact malgré les échecs, que
soumettent ses modes. Cette proposition répond à la vision métaphysique d’un
être qui est lui-même général par essence mais qui rentre dans des relations
particulières avec d’autres êtres : il se
manifeste en eux et crée certains processus par lesquels nous nous efforçons
de le connaître unilatéralement et en son phénomène. Voilà comment se manifeste une proche
parenté entre la notion purement formelle de ce qui se trouve en position
privilégiée dans le discours (notion dépendant de l’ordre de ce que l’on nomme
métathéorie) et une certaine représentation spéciale, objective (dépendant de
l’ordre des constructions métaphysiques). Voilà en quoi consiste justement
l’activité heuristique du neutrum et plus précisément son activité dans la
sphère de l’heurésis structuraliste - parler du
neutrum est un moyen de découverte de relations structurales entre des motifs
qui dépendent de différents ordres. Ici, nous découvrons justement une relation
entre la notion purement formelle, inaccessible autrement que par des
particularisations imparfaites (dont l’imperfection ne porte pas atteinte à son sens mais le masque seu
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